Aude/Portrait – Michel Soulès: la guitare et la mairie

Michel Soulès dirige depuis 2010 la mairie de Berriac. Quand il ne travaille pas, l'élu trouve son bonheur dans la musique.
Michel Soulès dirige depuis 2010 la mairie de Berriac. Quand il ne travaille pas, l’élu trouve son bonheur dans la musique. PHOTO/Claude Boyer

Michel Soulès est le seul gitan maire d’une commune de la région, mais aussi peut-être de France. Ce meneur d’hommes, leader d’un groupe de musique, veut transformer Berriac.

Il a l’aspect rugueux et méfiant. Mais rapidement, son visage devient souriant. Dans sa fonction de maire, Michel Soulès, 52 ans, détonne. Il est le seul premier magistrat de la région, et peut-être de France, à être issu de la communauté gitane.

Dans sa jeunesse, il n’imaginait certainement pas un tel avenir ; lui, l’aîné d’une famille de dix enfants, né dans “le dépotoir” de la Cavayère. Un tel destin était pourtant peut-être écrit dans les lignes de sa main, sinon gravé dans les gènes. Son grand-père Louis Baute, “l’homme au chapeau”, était un grand meneur d’hommes. Il a d’ailleurs une rue qui lui est dédiée à Berriac. Ce patriarche respecté était l’un des cofondateurs de l’association gitane d’entraide mutuelle du Carcassonnais. “Il aurait été l’homme le plus heureux du monde d’apprendre que je suis devenu maire. C’est lui qui m’a montré cette voie et qui m’a donné l’envie de m’investir pour les autres.”

Une telle ascension sociale n’était pas évidente. Issu d’une famille de gitans catalans, Michel Soulès a vécu ses premières années dans le campement de la Cavayère. “Nous vivions dans une baraque en tôle. Nous étions heureux car nous vivions dans un vase fermé, très protégé, et nous ne connaissions rien d’autre.

Premier choc lors de l’incendie en 1968 qui détruit le camp. Temporairement, les familles sont relogées à Carcassonne. Les Soulès vivent rue du 4-Septembre. “Nous dormions à neuf dans une chambre.” Il découvre la ville et passe son temps à regarder les gens, depuis le trottoir.

Son père vit alors de la revente de voitures d’occasion et de la récupération. La vie citadine n’est que temporaire. Les Soulès gagnent rapidement, comme les autres membres de la communauté, la Cité de l’Espérance, en construction à l’entrée de Berriac. La scolarité est difficile pour lui. “J’étais souvent au fond à l’école car je ne comprenais rien.” Difficulté également au collège de la Conte. Mais là, il se lie d’amitié avec des non-gitans, les “payous”, comme on les appelle.

“J’avais besoin de voir autre chose que mon milieu”. Mais, à 16 ans, il doit mettre un terme à sa scolarité. Sa mère lui trouve une épouse, qu’il ne connaissait pas, à Béziers. “Je crois qu’à l’époque, je ne pensais pas encore aux filles. Ma mère avait peur que j’aille avec la sœur d’un ami, qu’elle n’aimait pas.” Ce n’est pas un mariage d’amour. “Je l’ai fait par devoir, par respect pour mes parents.”

Après quatre enfants, et près de vingt ans de vie commune, le couple se sépare. Pas de divorce, ils n’étaient pas mariés civilement ou religieusement. Jeune père de famille, Michel Soulès doit se former pour trouver du travail. Il débute dans le bâtiment et la voirie.

Un temps à Béziers, avant de revenir à Carcassonne où il travaille trois ans à la mairie aux services techniques. Son envie d’aider les autres le pousse à passer un brevet d’animateur. Il intègre l’association d’aide matérielle et morale à la population gitane et s’occupe des enfants. “J’avais envie de leur passer un message. J’ai vécu dix ans magiques avec eux.” Ses credo : l’ouverture aux autres, la volonté et l’entraide. D’agent de médiation, il devient le gestionnaire de l’aire d’accueil des gens du voyage de Trèbes.

Désormais, il officie au sein de la communauté d’agglomération, pour ce même travail. C’est en 2010 qu’il devient maire, après le décès soudain de Jean-Pierre Mondillon. Son bureau conserve les traces de son prédécesseur : sa cane et ses pensées imprimées sur des feuilles A4. “Le désir de savoir n’est pas préexistant chez l’homme, il faut le susciter”, peut-on lire. Une réflexion qui trouve écho chez son successeur.

“Ni de droite, ni de gauche”

“Ni de droite, ni de gauche”, Michel Soulès préfère travailler avec “un homme”, plutôt qu’avec un parti politique. L’élu nourrit nombre de projets pour son village. Il a déjà réussi à transformer l’avenue des Pyrénées, ancienne piste de rallye nocturne, en allée sécurisée et arboré.

Son plus gros dossier reste la construction d’une école au sein du village. Faute d’établissement scolaire, 85 jeunes berriacois doivent encore rallier les écoles des communes voisines. Quand il ne se bat pas pour son village, Michel Soulès s’évade dans la musique. Il ignore tout du solfège. Cela ne l’empêche pas de maîtriser parfaitement claviers, basses et guitares. Avec son groupe Los Primos, Michel Soulès et ses compagnons font danser les gens au rythme de la rumba.

Voilà dix ans que la formation se produit dans la région. Cette année, comme déjà en 2013, elle a été programmée à la Feria de Carcassonne. Sur scène comme derrière son bureau de maire, le premier magistrat n’oublie pas ses racines, sans sombrer dans le communautarisme. “Je suis gitan et je le revendique. Je suis fier de mes origines.”





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