Castus joue de la guitare avec les pieds

Chez Castus les petites boucles ne rebiquent pas uniquement sur un front rieur de trentenaire : dans sa musique, elles sont partout. Patiemment, le Bruxellois tricote son morceau. Maille dessus, maille dessous. Peu à peu, guitare, cuiller à café et grenouille en plastique s’entrelardent dans un savant bric-à-brac. Mais surtout guitares et guitares. Jouées avec les pieds, qui pédalent sur les machines, posées au sol. Et le cuisinier Castus d’étager son cordon-bleu de multiples couches qui, croquées d’une seule bouchée, résonnent en un voluptueux rock atmosphérique. Aussi expérimental que guilleret, comme on le (re)découvrira au festival ProPulse, ce jeudi au Botanique.

Son premier titre, Arto, dans notre première vidéo ci-dessus.

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Cédric Castus, cette idée de boucles, ça vient d’où?

J’ai longtemps joué dans d’autres projets. Je m’entraînais chez moi, avec les boucles. À force de me voir jammer sur le côté entre les répétitions, les copains m’ont poussé à me lancer. Au Nouvel An, ils m’ont donné trois mois avant mon premier concert. C’était éprouvant. J’me sentais à poils car j’avais jamais défendu mes propres idées.

Concrètement, ça marche comment?

J’utilise deux loopeuses Akai. Sur la première, j’enregistre un cycle court qui sert de base au morceau pour un deuxième cycle plus long, que je chope sur la deuxième machine. Puis discrètement, je reviens sur la première. Et ainsi de suite.
 

Et sur scène?

Le challenge, en solo ou avec une vraie batterie, c’est que les deux loopeuses ne sont pas synchronisées. Elles sont assez anciennes. Donc si par exemple, ma deuxième boucle est plus longue, la machine ne me repositionne pas. Le batteur doit donc se caler dessus. Et on bataille tout le concert pour que ça reste musical.

Ce jeu de pieds donne l’impression d’une virtuosité.

En réalité, je recherche de petites astuces parce que justement, je ne suis pas un virtuose. Notamment pour la section rythmique. Je crois aussi que c’est le tempo qui donne cette sensation de performance.

Justement, il y a aussi ces gadgets («Ma», notre deuxième vidéo ci-dessous, NDLR): cette musique plaît aux enfants ?

Ces petites astuces peuvent impressionner, c’est vrai. Sur le second disque, “Megalo”, on a enregistré un cor de chasse. Impossible à jouer en live. Donc bon, je le remplace par un ballon de baudruche. C’est un peu la texture d’un instrument à vent de free-jazz, mais dans la bouche d’un très mauvais joueur de trompette. J’aime vraiment bien ça. Un système D pour pallier un manque.

Des influences?

Comme public, j’me fais vite chier. Donc ce que je veux, c’est que ça soit pas chiant. Pas question de faire la nouvelle bande-son de «Dead Man» (mythique film de Jim Jarmush avec une BO de Neil Young, NDLR) avec plein de reverb. En guitare électrique, je n’ai pas de solo en tête. Mais à la batterie, j’admire Chris Corsano, batteur free-jazz qui a travaillé avec Sonic Youth. Il exploite textures et timbres au maximum. Pour le côté ludique, c’est Tom Zé, un chanteur-guitariste populaire au Brésil. Il s’enregistre se brossant les dents comme base rythmique. Pour le rock instru, c’est sans doute Tortoise qui m’inspire, même si je les écoute pas trop.

Le public répond?

La débrouille, le bricolage, c’est ma marque de fabrique. Elle est inscrite dans le temps et le public bruxellois n’est plus trop étonné. Mais ils viennent pour ça. Me pointer sur scène avec un laptop, ça serait la fin du projet. Complètement. Il n’y a aucun pré-enregistrement dans ma musique.

Et les programmateurs?

Ben déjà en Belgique, ils me répondent pas trop. C’est pas évident. Ça commence à prendre à Namur et à Liège. Mais le projet est exploitable à l’étranger. Je reviens d’Italie. Ma première tournée internationale. J’ai ressenti une certaine fraîcheur. Le public se dit pas: «ah, y va encore sortir son canard en plastique». À Bruxelles, on me connaît donc les salles sont un peu désintéressées. J’essaye d’organiser un parcours au Portugal en avril. Pour avoir chaud. En dernier recours, j’essayerai la France.

La polymorphie de Castus est une force, non?

En solo, je me produis du salon de thé à la boîte de jazz en passant par les galeries. Dans la formule étendue, comme ce jeudi au ProPulse, on est 7 sur scène. Castus ne va pas faire un buzz d’un coup. En 10 ans sur Bruxelles, notre audimat s’élargit. Et dans 10 ans, on fera sans doute pas des télés, mais notre réputation sera là. Il n’y a pas que les disques et les tournées: théâtre, bande originale pour le cinéma… Sur le label Matamore, on est actifs là-dedans.

Deuxième titre, Ma :

 

 

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