Le joueur de guitare de Lantin s’est pendu

“Mon frère n’était pas qu’un numéro de cellule”

LIEGE C’est Hélène Mommer qui raconte la mort de son frère, détenu retrouvé pendu le 10 mars dernier dans sa cellule de la prison de Lantin. “Chris avait 38 ans. J’étais sa petite sœur. Chris n’était pas un mauvais bougre. En fait, il n’aurait jamais fait de mal à personne. Mais il lui arrivait de boire.”

Il y a plusieurs années, Christian Genet avait déjà fait de la prison. “Bagarre. La preuve que la leçon avait servi, c’est qu’il n’était pas retombé.”
Le Verviétois traversela crise comme beaucoup de gens : pas de boulot, CPAS. Il a cherché en France, échec. Et là, il vit à Liège, quartier Sainte-Walburge, avec Béa. Un jour, éclate une dispute, peut-être sur un malentendu.

Mais voilà : dans sa soûlographie, Chris se retranche dans leur appartement et menace de faire sauter une bonbonne de gaz. Le quartier est bouclé. Béa, qui connaît son gaillard, refuse de sortir. À un moment, le forcené téléphone à Hélène : “Je vais tout faire sauter.”

Le temps pour sa sœur d’accourir, le fort Chabrol est terminé. Genet s’est rendu sans difficulté. Béa voudrait retirer sa plainte. Et le juge comprend, qui n’inflige que 14 mois. À ajouter à l’ancienne condamnation à 3 ans pour la bagarre, et dont le sursis tombe : “Dans son calcul, Chris en avait jusqu’en 2016.”

Sur les dernières photos, Christian Genet porte un costume de scène, et un micro à la main. “C’était sa passion : chanter. Après son décès, j’ai appris qu’à Lantin il jouait de la guitare, à la messe, le dimanche matin, pour accompagner l’aumônier. Je vous raconte ça pour que vous compreniez : Ce n’était pas un assassin, mon frère.”

Hélène Mommerexplique que Genet espérait sortir en juin en portant le bracelet électronique. Que donc il voyait le bout du tunnel. Mieux, poursuit Hélène : son frère en prison avait demandé Béa en mariage. Et Béa avait répondu : “Oui, bien sûr.” “Et s’il sortait en juin, ils se seraient mariés en juin, tout de suite. En plus, Christian faisait un bel héritage de notre grand-père. Bref, un peu de patience et la vie repartait du bon pied.”

Hélène raconte qu’il y aurait d’abord eu une émeute à Lantin, puis le lendemain un premier suicide, puis deux jours plus tard celui de son frère, puis d’un troisième détenu le surlendemain. C’est ce qui la pousse à nous parler. “Je ne sais même pas ce qui s’est passé. Nous ne le saurons jamais.

Et c’est ce qui torture : ces morts en prison et ce grand silence du style : que vaut un détenu ? On a la version officielle mais elle ne colle pas à ce que j’ai appris par les autres détenus. Il s’est pendu à un drap de lit, puis j’apprends que ce serait à l’aide d’une écharpe. On me dit aussi maintenant que Chris était toujours vivant mais que les agents pénitentiaires ont refusé de pratiquer le bouche-à-bouche. Nous ne savons pas. Cela nous tue, Monsieur.”

Hélène Mommer voudrait changer les prisons dans un sens : humaniser.“Chris était mon grand frère, ce n’était pas un numéro de cellule. C’était quelqu’un avec de la chair, du sang et un cœur, quelqu’un qui aimait.”
Christian Genetn’a pas laissé de lettre.

“Cela aussi m’étonne, qu’il ne m’ait pas appelée comme il en avait la possibilité, alors que, dans ses coups de blues, il le faisait toujours, même quand il disait qu’il allait faire sauter sa bonbonne de gaz.” Christian est enterré à Comblain-au-Pont, à côté de son père. Il était né un 25 décembre. Et mort à Lantin ou pas, il manque.

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