MANHATTAN FOLK STORY • Dave Van Ronk, Elijah Wald, Editions …

Raconter son histoire n’avait d’intérêt pour Dave Van Ronk que si elle s’inscrivait dans celle, plus vaste, du folk new-yorkais. Et si le destin n’en avait pas décidé autrement, il aurait certainement été la personne idéale pour mener à bien ce travail. Après sa mort, son ami Elijah Wald a repris le flambeau en mettant bout à bout les multiples entretiens et documents qu’ils avaient collectés ensemble. Si le résultat est plus centré sur les débuts de Dave, il n’en reste pas moins un témoignage vivant et passionnant d’une époque qui a donné naissance à des artistes au succès planétaire comme Bob Dylan, Joan Baez ou Peter, Paul and Mary dont, soit dit en passant, il avait refusé d’être le Paul.

Au début des années cinquante, il fallait être particulièrement inconscient ou passionné pour aspirer à devenir musicien de folk, un genre considéré comme ringard et dont personne n’envisageait la renaissance. Dave van Ronk rassemblait probablement ces deux caractéristiques en quittant l’école à quinze ans pour émigrer du Queens à Manhattan et apprendre à gratter sa guitare sur le tas. L’époque n’était pas à la starisation et un jeune suffisamment pugnace pouvait se débrouiller pour écouter gratuitement des pointures comme Monk ou Coltrane quand ils répétaient dans les clubs du coin. Une école dont le garçon ne s’est pas privé et qu’il complétait en fréquentant les ” houtenannies “, concerts improvisés, qui fleurissaient à Washington Square chaque dimanche. D’abord porté sur le jazz, il s’oriente vers le folk en découvrant la méthode du pickle. Ses années galères sont aussi celles de la fameuse ” bohême ” où l’on vivait avec trois sous, en squattant des canapés amis, sans faire de concession à la marchandisation de l’art, convaincu qu’un jour, la chance allait tourner.

Elijah Wald a réussi à garder tout au long du livre le ton de Ronk, ce mélange d’honnêteté, de bougonnerie, de filouterie accompagné de coups de gueule tonitruants et d’une intégrité à toute épreuve envers sa musique. Une intransigeance qui n’a pas servi sa carrière, mais qu’il a assumée jusqu’au bout. Pilier de Macdougal Street, il connaissait tout ce qui gravitait autour du Village, ses habitués, ses intrigues, ses cafés, l’origine des groupes, les arnaques des producteurs, les ” emprunts ” des uns aux autres, l’effervescence créative qui annonçait l’explosion artistique à venir. S’il a très peu composé lui-même, la profession appréciait ses arrangements, notamment Dylan qui a enregistré, malgré son désaccord, une de ses versions de ” The House of the Rising Sun “. Acteur méconnu du revival des sixties, Dave Van Ronk reçoit par ce livre une reconnaissance qu’il n’a jamais cherchée, tout en nous régalant des coulisses de la légende oubliée du folk new-yorkais.

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Cet article est paru le 5 décembre
dans l’hebdomadaire La Semaine n°450 à Metz.

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