Bombino, guitar hero du désert

Il a enregistré son dernier disque à Nashville dans le studio de Dan Auerbach du duo The Black Keys. En 2006, Keith Richards et Charlie Watts des Rolling Stones l’ont invité à enregistrer avec eux la chanson Hey Negrita en Californie. Il a servi de guide à Angelina Jolie dans son pays natal, le Niger.

Une partie du CV de Bombino est celui d’une rock star. L’autre n’a rien de glamour. Né dans le nord désertique du Niger, Omara Moctar et sa famille touareg ont vécu dans l’exil et la résistance. Si la guitare fut une révélation et un signe de liberté pour le jeune Omara, il lui était interdit d’en jouer sous peine d’être puni et tué.

Dans ce contexte, assister ou organiser un spectacle était inconcevable. «Notre contact avec la musique était dans les mariages et les baptêmes», raconte Bombino.

Si Bombino est un guitar hero, ses héros à lui sont Ali Farka Touré, Haja Bebe et Jimi Hendrix. «C’est mon oncle qui m’a donné ma première guitare, quand j’avais 13 ans», raconte celui qui a développé un jeu de guitare intuitif.

Après un exil en Algérie avec sa famille, Omara Moctar a rencontré son mentor Haja Bebe dans la ville d’Agadez, mentor qui allait le surnommer «le petit», alias Bombino. «C’est Haja qui m’a appris ce qu’étaient les notes do, ré, mi, fa, sol, la, si, do. Avant, je jouais surtout des accords et je faisais peu de guitare solo.»

En 2007, Bombino a sorti un premier album, Group Bombino’s Guitars from Agadez Vol. 2. En 2008, le réalisateur Ron Wyman en a entendu par hasard un extrait en visitant le nord du Niger. Hypnotisé par la musique du guitar hero parti une fois de plus en exil, il s’est lancé à sa recherche au Burkina Faso. En plus de consacrer un documentaire à Bombino, Ryman a produit son premier album officiel, Agadez.

Deux ans plus tard, c’est nul autre que Dan Auerbach des Black Keys qui produisait le deuxième album de Bombino, Nomad. Sorti en mars dernier sous étiquette Nonesuch, Nomad s’est attiré des critiques élogieuses partout dans le monde, dans les journaux comme dans les médias branchés et de niche. Difficile de ne pas être transporté par son blues du désert viscéral, urgent et libérateur.

«Dan a aimé mon album Agadez. Il ne parle pas français, mais il a organisé en juin 2012 mon voyage à Nashville. J’y suis resté deux semaines. Dans son studio, on se sent comme à la maison», raconte Bombino.

Au moment de notre entrevue téléphonique, Bombino est dans une chambre d’hôtel aux États-Unis, dans une ville dont il a oublié le nom. Il est assisté de quelqu’un qui parle anglais, langue qu’il parle à peine. Une vie de nomade, quoi.

Si Bombino est parfois lost in translation et qu’il peut donner l’impression d’être perdu en entrevue, il est maître de son art. Pour lui, la musique a de multiples niveaux de langage. Elle permet aux musiciens de communiquer entre eux sans l’usage de la parole. Un dialogue se crée également entre le musicien et son instrument. «Pour vous dire, quand je joue de ma guitare, j’ai l’impression de faire quelque chose de bien.»

Bombino habite aujourd’hui Niamey, la capitale du Niger, avec sa femme et ses enfants. «Depuis cinq ans, le climat politique est plus stable, même s’il y a des guerres de voisinage avec le Mali. Le premier ministre (Brigi Rafini, nommé en 2011) est touareg», rappelle-t-il.

À l’âge de 33 ans, Bombino se réjouit de voir qu’en 2013, la musique unit les différents peuples du Niger.

Croyez-nous, il faut le voir en spectacle. Sur scène, Bombino entre en état de transe.

________________________________________________________________________________

Bombino se produit ce soir, à 19h et 21h, sur la scène à l’intersection des rues Clark et De Montigny.

Le blues du désert en trois temps

Alexandre Vigneault

Ali Farka Touré

«Quand j’écoute le blues de John Lee Hooker, j’ai l’impression nette que le style véhiculé par cet artiste n’est qu’un changement d’appellation. J’entends la même musique lorsque les musiciens de mon pays se mettent à la guitare», a déjà dit Ali Farka Touré à La Presse, en 1994. La source du blues, pour lui, c’est l’Afrique. Ce grand musicien malien mort en 2006 a bouclé la boucle en mêlant les mélodies et les styles traditionnels de son pays, la guitare électrique et parfois le blues plus américain. Ses albums avec Ry Cooder (Talking Timbuktu) et Toumani Diabaté (Ali and Toumani) ont remporté un Grammy.

Sahara

L’idée d’un blues venu du désert est profondément associée au nord du Mali et à la mythique ville de Tombouctou. Ses airs empreints de douleur et de nostalgie, marqués par des motifs de guitare relativement simples joués en boucle pour induire une douce transe, se retrouvent également dans les pays voisins. Des traces de ce style musical s’entendent plus ou moins fortement dans tout le territoire où s’étend la culture touareg, en particulier le Niger, mais aussi le sud de l’Algérie (influence berbère) et de la Libye.

Hommes des sables

Bombino est le musicien touareg dont la cote de «coolitude» est la plus élevée en ce moment. De nombreux autres ensembles l’ont précédé en Occident. Tinariwen, formé en 1979 dans le sud de l’Algérie, a aussi créé tout un buzz il y a quelques années avec un album hypnotique intitulé Amassakoul (2004). Les curieux peuvent aussi creuser le genre en écoutant Etran Finatawa, Tartit et Terakaft. Parmi les femmes associées au blues du désert, signalons Mariem Hassan, du Maroc.

Be the first to comment

Get the comments rolling...