Dans le trou de sa guitare: une entrevue avec Éric Goulet

Patrick Robert

@Rastaquoire

Que ce soit au sein de Possession Simple, Les Chiens ou sous le nom Monsieur Mono, Éric Goulet fait partie du paysage musical québécois depuis plus de vingt ans. Alors qu’il s’apprête à présenter son Volume 2 au public des Francofolies, Pieuvre.ca s’est entretenu avec le musicien.

Éric Goulet

Éric Goulet

On t’a surtout associé au rock durant ta carrière. Qu’est-ce qui t’a emmené vers le country ces dernières années?

Éric Goulet : Tu sais, le country, ça reste toujours la base du rock, anyway. Ça n’a jamais été très loin de moi. Pendant une couple d’années, j’ai écrit des chansons country pour d’autre monde, dont WD-40, Vincent Vallières, Renée Martel… J’ai fait des shows country en accompagnant d’autres musiciens aussi, et puis j’ai toujours eu du fun à le faire. Au fil du temps, je me suis dit : « Ben, coudonc, j’aimerais ça le faire pour moi aussi, tsé » (rires)…

Pendant des années, le country a eu une réputation de musique quétaine. Qu’est-ce qui a redonné ses lettres de noblesse au genre, et svp, ne me répond pas la victoire de Yoan à La Voix

Éric Goulet : Ah ah, non (rires). Je pense que ça remonte à pas mal plus loin que ça. Moi, j’associe ça un peu au retour de Johnny Cash, et la série d’albums American. À partir de ce moment-là, on dirait que, comme c’était une icône du country, que lui-même à un moment donné de sa carrière avait été considéré comme quétaine, ou plus dans le coup, qu’il revienne comme ça, avec des chansons dépouillées et actuelles en même temps, on dirait que les gens ont réalisé qu’il y avait encore quelque chose à faire au niveau du country.

En cette époque de beat-box et d’échantillonneurs, est-ce une envie de revenir à l’essence même de la chanson qui t’a motivé à faire du country?

Éric Goulet : Exactement. Puis le succès, bon ce n’est pas nécessairement des affaires grand public, mais quand même, le succès d’artistes comme Gillian Welch, des trucs comme ça, ça contribue vraiment à rendre le country cool.

Comme le reggae ou le blues, le country est une musique assez balisée. Est-ce que c’est difficile d’insuffler sa propre personnalité à un style musical qui est déjà bien défini?

Éric Goulet : Pour moi non, parce que c’est ça que j’aime, la contrainte de la chose. Je pense qu’à partir du moment où tu écris des chansons à ta propre façon, l’habillage, si on veut, contribue seulement à donner une plus grande unité à ce que tu fais dans le fond.

Il y a aussi les thèmes du country, qui tournent souvent autour de l’amour et de la boisson. Tu touches à ça, mais tu réussis quand même à élargir le propos…

Éric Goulet : Bien j’essaie, j’essaie… C’est sûr que des peines d’amour, j’en ai toujours pas mal eu dans mes tounes avant même de faire du country de toute façon (rires)… J’ai juste ajouté la boisson un peu là-dedans (rires)… C’est sûr que je ne vais jamais mentionner un cheval dans mes tounes ou des affaires de même, je ne veux pas tomber dans le folklore non plus, là… Mais je pense que dans le fond, c’est vraiment plus la façon d’apporter les choses, plus que le thème lui-même, qui emmène la couleur country.

Parlant de thèmes différents, on retrouve la très belle chanson Le trou de ma guitare sur ton nouvel album. Comment t’es venue cette image de tomber dans le trou de ta propre guitare?

Éric Goulet : Écoute, ça, c’est tellement ridicule comme histoire! C’est un rêve que j’ai fait. Plusieurs chansons sur ce disque-là me sont venues en rêve. Je me suis réveillé un matin avec ça dans la tête, et aucune idée de ce que ça pouvait bien vouloir dire (rires)… J’ai fait une maquette, puis je me suis dit : « Ben coudonc, c’est bon c’te toune-là! ». Je l’ai présentée au band, puis tout le monde tripait… C’est comme ça que ça s’est présenté (rires)…

Tu fais quelques reprises sur l’album, comme la chanson Lucille de Kenny Rogers, mais tu as aussi repris deux de tes anciennes chansons, dont une du groupe Possession Simple. Qu’est-ce qui t’a donné l’idée de revisiter ces pièces?

Éric Goulet : Il y avait ça un peu dans le Volume 1 aussi. Il y avait l’idée de revisiter des chansons, mais c’était plus des chansons que j’avais écrites pour d’autres, comme Chacun dans son espace, ou Danse avec moi. Mais là, j’avais envie de pousser l’expérience un peu plus loin, en prenant des chansons que j’avais écrites, mais qui n’étaient pas des chansons country à la base, et de faire ressortir un peu ce côté-là, qui était déjà dans les chansons, mais qui était peut-être juste un peu camouflé…

C’est aussi intéressant de revisiter sa propre composition des dizaines d’années plus tard…

Éric Goulet : Oui! Même que, dans le cas de Comme un cave, ça fait plus de vingt ans! Actuellement, je travaille à remédier à la situation, mais il reste que la plupart de mes vieux albums, des mes chansons passées, ne sont plus disponibles. Tu ne peux plus les acheter si tu veux. Ça ne joue pas beaucoup à la radio non plus. Donc, il y a pour moi la volonté de garder mes chansons en vie aussi. Parce que je me dis que si je ne le fais pas, y’a personne qui va le faire (rires)!

J’ai entendu dire que l’album a été enregistré en 48 heures? C’est exact?

Éric Goulet : À peu près, oui, si on compte toutes les heures bout à bout… Les pistes de base ont été enregistrées en deux jours, en deux sessions de studio donc, déjà là, c’est peut-être un vingt heures… Puis après ça, et bien, il y a eu très peu d’overdub, dans le fond. On a fait toutes les voix en trois heures, tous les trois en même temps autour du micro. Quelques petits overdubs de guitare, du banjo ici et là, le solo d’harmonica de Guy Bélanger, mais sinon, dans l’ensemble, oui, ça s’est fait assez rapidement. Sur une longue période de temps (rires), mais en nombre d’heures, ça a été quand même assez bref.

Est-ce qu’il était important pour toi de conserver le côté artisanal et spontané du country, et de ne pas surproduire l’album?

Éric Goulet : Oui, c’était super important pour moi, parce que c’est ça que j’aime. C’est la spontanéité, puis la simplicité de tout ça. Donc, il fallait vraiment ne pas faire un album qui soit surproduit. Je voulais vraiment mettre l’emphase sur la performance… Puis je trouve que déjà, juste avec le band, on est quand même six musiciens, ce qui fait que, juste en jouant les six en même temps, il y a déjà pas mal d’affaires qui se passent. On n’a pas besoin de rajouter grand-chose (rires)…

Dans les dernières années, tu as réalisé plusieurs albums pour d’autres artistes, Michel Rivard, WD-40, Yann Perreau… Est-ce que le métier de réalisateur a modifié ta façon d’aborder les chansons?

Éric Goulet : Peut-être pas au niveau de l’écriture, mais, oui. Bien, pas le métier de réalisateur comme tel, mais le fait de côtoyer d’autres auteurs-compositeurs, c’est sûr que c’est toujours une belle source d’inspiration. De voir comment travaillent des Belliard, des Rivard… C’est toujours stimulant de les voir aller, puis tu te dis : « Ah, mon Dieu, quelle bonne idée », ou : « Moi aussi je devrais appliquer cette idée-là », et ainsi de suite. D’une façon ou d’une autre, ça nourrit beaucoup, ça c’est certain. Autant pour la réalisation comme telle, donc, comment enregistrer et produire un album, mais je pense que c’est un échange aussi.

Je sais qu’il est un peu tôt, tu viens à peine de lancer le Volume 2, mais est-ce qu’on peut s’attendre à un Volume 3, et même éventuellement à un retour des Chiens?

Éric Goulet : Tout à fait. Toutes les options sont sur la table. Il y a même encore possibilité d’un Monsieur Mono un jour, je veux dire, ce n’est pas parce que je me consacre à de nouveaux projets que ça met fin nécessairement aux autres. Souvent, c’est juste les circonstances qui emmènent les propositions… Tu vois, Les Chiens, on joue encore à l’occasion, mais c’est juste que, de prendre le temps de se réunir puis de créer du nouveau matériel… On l’a déjà fait quand même un peu, on accumule des chansons tranquillement. Éventuellement, on pourra faire quelque chose avec ça. C’est juste de trouver le bon angle dans le fond.

Tu seras en spectacle vendredi soir au Pub Rickard’s dans le cadre des Francofolies. Est-ce que tu seras avec toute la formation de six musiciens?

Éric Goulet : Oui. Ça va être à peu près le même show qu’on a donné pour le lancement du disque. C’est sûr que c’est un petit peu plus concentré, vu qu’on a juste une heure pour jouer, mais ça va être pas mal l’essence de ce qu’on présente en show, soit l’intégrale du Volume 2, puis les plus grands succès du Volume 1.

Éric Goulet
En spectacle aux Francofolies
Vendredi 13 juin 2014, 19h00
Pub Rickard’s, Montréal
Infos : http://www.francofolies.com/artistes/artiste.aspx?id=9163

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