Johnny Marr, guitare antihéros

Source Figaroscope

Au début des années 1980, la proéminence de la guitare dans la pop marquait le pas, sous l’assaut des synthés. Johnny Marr est celui qui a introduit les arpèges dans la production anglaise de cette décennie, avec le groupe The Smiths, aux côtés du chanteur et parolier Morrissey. Âgé de 23 ans seulement à la séparation du groupe en 1987, l’homme poursuit depuis lors une carrière fascinante de singularité. «Lorsque j’avais la trentaine, le public ne comprenait pas pourquoi je passais d’un projet à l’autre: de Kristy McColl à The The en passant par le groupe Electronic, il aura fallu du temps aux gens pour comprendre ma manière de fonctionner.»

Issu de la classe ouvrière de Manchester, l’homme était sans doute trop modeste pour se voir autrement que dans le rôle d’un bon lieutenant au service des autres. Son jeu de guitare gracieux et original a ainsi garni les disques des Pretenders comme de Bryan Ferry, sans qu’il ne recherche particulièrement la lumière. «Dans mon milieu, on a du mal à se définir comme un artiste, ça sonne trop prétentieux. Il m’a fallu longtemps pour mesurer que le terme de “divertissement” n’est pas péjoratif. Le public paie pour être diverti, après tout. Il y a un côté noble là-dedans. Et on peut être artiste tout en faisant du divertissement», nous expliquait-il récemment dans le jardin de la branche française de sa maison de disques.

Cheveux noir corbeau, regard rieur, le quinquagénaire assure n’avoir jamais été aussi occupé. Dans la foulée de The Messenger , premier album sous son seul nom en 2013, il vient de sortir Playland (Warner Music). «Je ne voyais pas de raison de faire une pause. J’avais des chansons et de l’inspiration. Le meilleur moment pour enregistrer un disque, c’est au retour d’une tournée. Et puis, je ne me voyais pas aller faire des randonnées en Amazonie ou passer mes journées devant la télévision», dit-il en souriant.

Johnny Marr explique avoir adopté le rythme de ses amis artistes peintres, qui «ne comprennent pas pourquoi les musiciens font des pauses aussi importantes entre deux projets. Et tant pis si certains me prennent pour un stakhanoviste». Dans le passé, Johnny Marr a été frustré d’être dépendant des autres, après avoir mené les Smiths au sommet à la vitesse grand V. «Nous étions en activité permanente, nous allions de l’avant tout le temps, comme les groupes que j’écoutais enfant, qui passaient leur vie sur les routes.»

Reconnu pour ses talents de guitariste, Marr soigne désormais particulièrement ses parties vocales. «Avec les Healers, je tâtonnais. Aujourd’hui, je chante plus fort, j’essaie de préserver ma voix entre les concerts et je prends plus de risques avec les mélodies que je compose. De toute façon, ma voix est plus proche de celle de Brian Eno que des chanteurs mélodramatiques qu’on entend depuis une quinzaine d’années dans les émissions de télé-réalité», fait-il observer, lucide.

Parmi ses nombreuses expériences, Marr a aussi exploré la musique de films, avec le grand Hans Zimmer. Pour l’heure, il est heureux de se produire en compagnie de son propre groupe, avec l’énergie et la fraîcheur d’un débutant.

Johnny Marr, Trabendo, 211, av. Jean-Jaurès (XIXe). Tél.: 01 42 06 05 52. Date: le 3 novembre à 19 h 30. Place: 25,30 €.

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