Le parcours de la guitare africaine

À la fois maître des destins croisés, philosophe de l’art global, multi-instrumentiste panafricain et bluesman-conteur, le Montréalais Gotta Lago offre ce vendredi au MAI le projet sur lequel il bosse depuis cinq ans : African Guitar Spirit qui lui permet d’explorer l’essence de la guitare dans la musique africaine. À l’automne dernier, le trio a remporté à juste titre le Prix de la diversité.

« C’est la guitare, des origines à nos jours », raconte Gotta. « Logiquement, il devait y avoir une version électrique, mais on va commencer par l’acoustique principalement. Quatre-vingts pour cent des pièces sont originales, mais j’emprunte des styles musicaux pour pouvoir mettre en valeur certaines techniques. Certains styles ont des noms, d’autres ont emprunté des rythmes ou des instruments. Par exemple, dans le rythme diba de Côte d’Ivoire, la guitare qui accompagne est très percussive et mélodique. Les techniques de solos qu’on voit maintenant sont venues plus tard agrémenter ça. »

Quelles sont les influences à la base du parcours guitaristique de Gotta Lago ? Les Américains comme Wes Montgomery, Charlie Christian et George Benson, bien sûr. Puis, avec le temps, les grands artistes africains comme Habib Koité, D’Gary, Boubacar Traoré, feu Ali Farka Touré et maintenant Bombino. Mais dans la trajectoire d’African Guitar Spirit, tout commence par un luth ancien et passe par certaines cultures traditionnelles avant de prendre des formes plus contemporaines.

Gotta conte et raconte encore et toujours : « Prends les Baoulés qui viennent du centre de la Côte d’Ivoire, ce sont des chansonniers, avec des guitares traditionnelles qu’ils fabriquent : des chansonniers qui sont comme des griots. Dans leur technique, ils jouent et chantent simultanément. J’ai jammé avec eux dans les rues, mais ça m’a pris plusieurs semaines avant de maîtriser leur technique. Leurs rythmes sont assez rapides, et comme les griots, ils rendent des hommages et peuvent raconter des histoires du quotidien. Mais par rapport au mandingue, c’est libre. Ce n’est pas classé par famille et ça ne se transmet pas de père en fils. »

Gotta est issu de la culture des Bétés, qui pratiquent le diba avec ses rythmes forestiers très complexes à cause de la polyphonie. Cela est intégré au répertoire, tout comme les polyphonies pygmées avec leurs yodels : « Dans le projet, on a le chant, la musique et les percussions. Ça respecte l’essence africaine, car c’est très rare de venir avec juste une guitare. Tout est lié », ajoute le capteur sonore. Il y a également le blues, mais pas n’importe quel type de blues : « Tu as celui de la forêt et celui de la savane. Moi, je vais faire mon blues forestier et Sadio va faire un rythme takamba qui est pratiqué chez les Touaregs. Il apporte sa contribution, même que dans notre interprétation de Moi, mes souliers, il rappe en wolof. »

Oui, oui, les souliers de Félix voyageront aussi sur une rythmique reggae. Quant au Sadio en question, il vient de la grande famille des Sissokho et on l’a connu avec les groupes Taafé Fanga et Ouanani. Il se produit maintenant avec Sanza Percussions et Ma Africa. Dans African Guitar Spirit, il chante et percussionne avec cajon, calebasse ou tama, le « tambour parlant ». Pour compléter l’inspiration du trio : le bassiste Carlo Birri, qui est issu aussi bien du soukous que de l’afro-cubain ou du hip-hop.

Autre fait intéressant : Gotta Lago, à l’instar d’Habib Koité et d’Alpha Yaya Diallo, utilise les guitares Godin. « En matière de musiques africaines, c’est bien parce ça ne feed pas beaucoup sur la scène. Les guitares sont pleines, mais il y a un creux à l’intérieur et au niveau de la touche, elles sont bonnes pour accompagner le chant. » Pour l’instant, African Guitar Spirit est bien lancé : une tournée organisée par le CAM suivra et un documentaire pourrait se réaliser en Afrique par la suite.

Gotta Lago – Bye Bye Nazir

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