Michel-Yves Kochmann, le guitariste de l’ombre côtoie les étoiles

Le 22 juin, dans le cadre de la tournée « The Voice », le guitariste, fidèle d’Alain Souchon depuis 27 ans, sera sur la scène du Zénith, à Strasbourg. En terrain connu, bien qu’il ait quitté l’Alsace à l’âge de 6 ans…

Sur le plateau de « The Voice », le 11 mai dernier : « C’est un pur défi pour tout l’orchestre, puisqu’on se retrouve chaque semaine à monter l’équivalent d’un spectacle, en un temps record, avec la pression de la production télé. Tout doit aller très vite, et on nous demande beaucoup d’imagination… » Photo Yann Dejardin/Shine France/Bureau 233

La plupart des Français ont déjà entendu le son de sa guitare, sans connaître son nom. Ces derniers mois, ils furent entre 6 et 8 millions chaque samedi soir, au fil du télécrochet « The Voice », dont il est un des musiciens attitrés. Sur Foule sentimentale , le tube de référence d’Alain Souchon, c’est aussi lui qui joue, de même que sur tous les albums du chanteur depuis C’est déjà ça (1993) et sur toutes ses tournées depuis 1986. Avec les Enfoirés et Sol en Si, aux Victoires de la musique, derrière les aspirants de « Nouvelle Star », ou encore aux côtés de Nolwenn Leroy sur sa triomphale tournée « Bretonne », c’est encore lui…

Deux des candidats alsaciens à la dernière édition de « The Voice » – Matskat et Claire Faravarjoo – nous ont mis sur la piste de Michel-Yves Kochmann (« MYK », pour simplifier). Rencontré, à quelques années d’intervalle, lors d’un stage à Schirmeck, ce dernier les a encouragés à tenter leur chance sur TF1. On a évidemment flairé un lien avec la région, confirmé dans la minute par le web – naissance à Mulhouse, le 6 novembre 1962 –, détaillé quelques semaines plus tard par l’intéressé : « Les parents de ma mère (NDLR : née Nicole Unterberger) étaient des juifs hongrois qui avaient fui les persécutions antisémites pour se réfugier en Alsace. Son père a été tué pendant la Shoah, la famille a fui dans différents endroits pendant la guerre, mais ma grand-mère est revenue en Alsace. Je pense qu’à la fin de sa vie, elle parlait quasiment aussi bien alsacien que yiddish… »

Si son propre père, le linguiste René Kochmann, est issu d’une famille de juifs polonais émigrés à Marseille, c’est à Mulhouse – précisément quai du Fossé, devenu l’avenue Kennedy – que MYK a vécu jusqu’à l’âge de 6 ans et demi. Il y reviendra souvent, pour voir sa grand-mère, qui tenait, avec son oncle, « un magasin de vêtements qui s’appelait Grégory… »

À 14 ans, je rêvais plutôt de faire un groupe de rock’n’roll

La famille a déménagé à Tours, où MYK se met à la guitare. « Depuis tout petit, j’adorais la musique. Un peu avant mes 9 ans, mes parents m’ont demandé si je voulais apprendre un instrument, et il se trouve que ma mère – comédienne et chanteuse – donnait des lectures de poèmes avec un guitariste classique, ça m’a tout de suite plu. »

À 13 ans, il joue sur le premier album de sa mère, aux côtés du grand guitariste Roland Dyens et du bassiste Pierre Nicolas, qui avait accompagné Brassens. Il écoute du rock’n’roll, du jazz, de la musique orientale, mais apprend la guitare classique. L’année où il obtient son premier prix de conservatoire, il joue pour le cirque Pinder. « Je ne savais pas vraiment où je voulais aller avec la musique, mais je savais que je voulais en faire. »

Il « monte » donc à Paris, fin 83. « Je ne connaissais personne, mais je traînais dans les clubs et j’attendais jusqu’à 3 h du matin pour faire des bœufs. On a fini par me proposer des petits remplacements. » Coup de chance, le chanteur d’un de ces caf’conc signe chez Pathé-Marconi, son manager est aussi celui de Jeanne Mas. La punkette en rouge et noir caracole en tête du Top 50 et MYK est invité à participer à sa tournée.

Il fait alors plusieurs rencontres déterminantes, comme celle de Guy Delacroix, musicien qui travaille à l’époque avec Sheila et Goldman et qui deviendra le directeur musical des Enfoirés, et Michel Coeuriot, qui lui propose de faire une tournée avec Alain Souchon, dont il est l’arrangeur. « Je ne pense pas que j’avais pour ambition d’accompagner des chanteurs dits « de variété ». À 14 ans, je rêvais plutôt de faire un groupe de rock’n’roll. Mais avec Alain, la complicité a été très vite autant musicale qu’humaine. »

La routine n’existe pas

Avec le temps, MYK est devenu bien plus qu’un accompagnateur pour le chanteur de C’est comme vous voulez. « Il faut donner ce qu’on attend de vous, mais aussi essayer d’aller au-delà. La pérennité d’un musicien de studio réside là : garder l’esprit ouvert, rester humble, mais quand on a compris ce qu’on veut de nous, c’est bien de proposer plus. C’est ce qui fait que les gens vous rappellent ou non. »

On rappelle souvent MYK, musicien affranchi des genres et des chapelles, « coloriste » recherché. « Les choses se font d’elles-mêmes. C’est un métier étrange, où on peut travailler comme un dingue pendant six mois, puis ne plus rien faire pendant trois. C’est à la fois angoissant et assez exaltant. La routine n’existe pas, il y a parfois des virages inattendus. »

Ces dernières années, des virages inattendus ont ramené MYK dans sa région d’origine. Sa compagne depuis 2008 est Alsacienne, et après y avoir passé nombre de week-ends, il revient en vacances à Ensisheim, emmenant ses deux jeunes enfants au parc de l’Eiblen.

Sur une tournée de Liane Foly, il a rencontré le batteur Matthieu Zirn, qui l’a invité à participer au stage qu’il organise chaque été à Schirmeck, avec un succès croissant. « Il demande toujours aux profs participants de monter un petit spectacle, et la première année, j’ai fait des reprises des Stones (NDLR : dont il est fan depuis l’enfance), Joe Cocker, Clapton… Les musiciens avec lesquels j’ai joué m’ont tellement plu que je leur ai proposé de faire des concerts à chaque fois que je viens dans la région. »

C’est comme ça qu’est né le groupe The Peanuts, qui jouera le 3 août prochain au festival Clair de nuit, à Barr, et dont le chanteur est le Strasbourgeois Matskat, révélé au grand public lors des récentes auditions de « The Voice ». Pour cet interprète d’exception, MYK s’est lancé pour la première fois dans la production. Cinq chansons sont achevées à ce jour, et le guitariste y croit sincèrement. « Ça pourrait être une bonne surprise dans un avenir proche » , souligne-t-il.

Je n’ai pas envie d’être devant

Se disant piètre chanteur, lui-même n’a jamais rêvé d’être au premier plan. « Le fait d’être sideman ne m’a jamais dérangé. C’est une position de confort : il y a quelque chose d’exhibitionniste dans le fait d’être sur scène, mais je n’ai pas envie d’être devant, d’endosser cette responsabilité. »

S’il est toujours partant avec les autres, MYK aime aussi se retrouver seul à composer dans son studio, rien que pour lui. Il a ainsi signé trois albums sous son nom, dont une relecture très personnelle des chansons de Souchon et un album 100 % guitares, assez expérimental, pour « dire des choses qu’on n’arrive pas à dire avec des mots ». Il avoue qu’il aimerait désormais avoir un peu plus de temps pour développer ses projets personnels, en particulier pour l’image (son fils aîné Joseph est un jeune cinéaste prometteur). « Mais on prend ce qui arrive, qui ne correspond pas toujours à ce qu’on attend. » Non content d’avoir les idées larges, le guitariste s’avère aussi philosophe.

Olivier Brégeard

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