Sylvain Luc, guitariste tout terrain

Après le violon puis le violoncelle, Sylvain Luc a choisi la guitare pour la danse.

Dans la nuit d’Uzeste Musical, le festival de Bernard Lubat, le 23 août vers 1 h 10, il s’est produit un événement que seul Uzeste, en Gironde, est capable de susciter : la rencontre spontanée en scène de trois monstres, Michel Portal (clarinette basse), Bernard Lubat (batterie) et leur cadet Sylvain Luc (guitare). Feu d’artifice de sons, d’idées, de climats, de bonheurs d’expression avec, dans le rôle du modérateur inspiré, Sylvain Luc : “Il s’est passé un truc très étonnant, on ne s’est pas ennuyé. Comme animés d’une bougeotte similaire, on se secouait l’un l’autre. On s’ennuie si souvent, sur scène ou dans le public, en musique…”

La quarantaine (il est né le 7 avril 1965 à Bayonne, Pyrénées-Atlantiques), le sourire avenant, une étonnante subtilité d’ego dans un monde d’inquiets, Sylvain Luc, guitariste et compositeur, occupe une place de premier plan. Origine de ce talent ? L’amour de la musique chez son père, entrepreneur de peinture, dont la mère ne supportait pas la passion : “Il s’offrait des harmonicas, elle, elle les jetait dans la Nive. La musique, ce n’est pas sérieux. Comme Lubat, je dirais que c’est très sérieux de n’être pas sérieux. Moyennant quoi, mes parents ont eu trois fils, trois musiciens, Gérard, Serge et moi. Plus une sœur handicapée qui soude la famille.”

Serge, le cadet, est parti trop tôt, mais l’orchestre de l’accordéoniste Gérard Luc, dans toutes les fêtes du Pays Basque, c’était quelque chose. Sylvain Luc, de vingt ans plus jeune que Gérard, y a participé : “Le bal, c’est une sacrée école. Tu te retrouves à jouer tout ce tu ne veux pas jouer. Mais l’invitation à danser, faire bouger les corps, c’est irremplaçable.”

“JE ME SENS TOUJOURS MAL QUAND ON M’ENFERME DANS UNE CASE”

Sylvain Luc avait commencé au violon, puis au violoncelle. La guitare, il l’a choisie pour la danse. Longtemps, on l’a coincé dans une position de jazz rock fusion. Puis, on s’est étonné de sa propension au solo absolu. Lui, Sylvain Luc, ayant fait toutes les expériences aux côtés de ses frères comme auprès des plus grands du jazz, il sait qu’il est très demandé et va son bonhomme de chemin.

N’hésitant pas à enregistrer avec les Luc des chansons basques (Elgarrekin), avec le Trio Sud (Ceccarelli et Jaffet), Solo Ambre (2002), ou en solo, Standards (2009) : “Dans les standards du jazz, ce qui m’intéresse, ce n’est pas le morceau de bravoure ou le chorus de plus. C’est la composition telle qu’elle est écrite, la mélodie, et ce qu’on a, en tant qu’interprète, à raconter.” Dans l’album, parlons-en, il donne sa version du légendaire Giant Steps de John Coltrane (1959).

Coltrane, on le sait, avait demandé pour premier pianiste Cedar Walton qui vient de disparaître, puis Tommy Flanagan et enfin Wynton Kelly pour finir les séances : “Dans Giant Steps, le solo de Coltrane reste inégalé autant qu’indépassable. Les trois pianistes, des merveilles du piano classique se sont déclarés déroutés par les changements de tonalité de la composition. Moi, j’en vois l’aspect mathématique, comme une Étude classique. Je me raconte l’histoire de ces changements de tonalité. Tu pars de chez toi, tu vas chez un ami qui te présente un autre ami, parfois tu es bien reçu, parfois mal à l’aise. Mais ce n’est pas la peine de faire un solo monté de toute pièce ou de jouer dans la virtuosité pour la virtuosité.”

Jazz, rock, fusion, fandango ? “Mon admiration pour le jazz vient de mon admiration pour des êtres libres. Mais je me sens toujours mal quand on m’enferme dans une case. Mes expériences ? Je vais voir ailleurs si j’y étais.” Ce que l’on peut vérifier en scène, ce lundi 9 septembre, au festival de La Villette.


Festival Jazz à La Villette : Sylvain Luc Stefano Di Battista Quartet (9 septembre à 20 heures, avec Matthieu Naulleau en première partie). www.jazzalavillette.com

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