Une classe dans un collège situé près de Rennes, en 2011 (D.MEYER/AFP).
Monsieur Py était mon professeur de dessin quand j’étais au collège, dans le sud de la France, à la fin des années 1980.
Une vielle guitare électrique dans le grenier
Si je me rappelle de lui, c’est probablement parce qu’il a contribué, d’une manière ou d’une autre, à faire de ma vie ce qu’elle est aujourd’hui. À l’époque, je parlais constamment de musique, je n’avais presque que ça à la bouche. Je pense qu’il m’a entendu en parler une ou deux fois… avant ou après un cours. C’était un prof attentif, complètement à l’écoute de ses élèves et de leurs passions.
Si bien qu’un jour, il est venu me voir en me disant qu’il avait une vieille guitare électrique dans son grenier et qu’elle ne servait à personne. Alors il me l’a donnée. Comme ça. L’année suivante, mes parents m’ont offert mon premier ampli Marshall, et ça m’a permis d’entrer dans un groupe.
Patrick ? Paul ? Philippe ?
Honnêtement, dans ma tête, c’était de la science-fiction qu’un prof puisse m’aider et me soutenir comme ça dans ma passion. C’était encore plus étrange le jour où il est venu à la maison, sur invitation de mes parents, qui souhaitaient le remercier. C’est comme si deux mondes qui n’avaient rien à voir entraient soudainement en contact.
Je n’ai jamais su son prénom. Avec un copain, on pensait avoir trouvé son initiale sur un document dans la salle des profs, on était quasiment certains que c’était un P. Si bien que dans la cour de récréation, on s’amusait à le suivre en l’appelant : “Patrick !”, “Philippe !”, “Paul !”. On n’a jamais obtenu une seule réaction. Il ne s’est jamais retourné. C’était peut-être un M, après tout.
Je ne l’ai pas retrouvé
Plus tard, j’ai bien essayé de taper son nom sur Google… mais des Monsieur Py, il y en a des dizaines. Je ne l’ai pas retrouvé. J’aurais pu appeler mon ancien collège pour savoir s’ils avaient un listing des professeurs qui enseignaient là-bas dans les années 1980, mais je ne l’ai pas fait. Je crois que je préfère garder les souvenirs que j’ai de cette époque. Ne pas le chercher ni l’appeler ne m’empêche pas de lui être reconnaissant.
Je pense qu’il a eu une influence sur la suite de ma vie. Ce qu’il a fait, ça représentait non seulement un vrai cadeau, une aide matérielle, mais aussi un boost de confiance en moi. Il n’était obligé de rien, son geste était complètement désintéressé… Je pense que sa bienveillance m’a fait du bien. Après tout, il était comme ça avec ses élèves, il était attentif à chacun, il avait de la considération pour tous les enfants sans distinction.
Aller dans la bonne direction
Si je ne l’avais pas croisé, je ne me serais peut-être pas lancé dans la musique. Je n’aurais peut-être pas sorti d’albums. Je ne sais pas du tout. Toujours est-il que Monsieur Py a fait partie de ces gens, de ces événements, de ces choses qui m’ont permis d’aller dans la bonne direction. D’écouter ma passion et d’essayer d’en faire quelque chose qui soit certainement plus qu’un loisir.
Trois ans après qu’il m’ait donné cette guitare, j’ai eu les moyens de m’en offrir une autre. Alors j’ai décidé de donner à mon tour la guitare de Monsieur Py. Je l’ai donnée à quelqu’un à qui elle servirait et qui, selon moi, l’utiliserait au mieux. Je pense c’était ma façon à moi de respecter ce que Monsieur Py avait fait avec moi, à savoir un acte de transmission. Ouvrir une porte.
Propos recueillis par Henri Rouillier.
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