La pluie est l’amie de l’artiste qui joue en festival. Du moins, s’il a la chance de se produire sous chapiteau. L’ondée lui permet de faire le plein de spectateurs, qui n’auraient pas forcément été là si le soleil s’était mis comme il se doit de la partie. Et avec un peu de chance, c’est l’occasion de se trouver quelques fans de plus.
Vendredi, on nous promettait une météo joyeusement crapuleuse et on a fini par l’avoir. Pas de bourrasques, non, mais une température en chute libre façon Baumgartner et surtout, des averses bien généreuses. Ce qui amuse Sharon Van Etten. « On dirait qu’il pleut », s’amuse au moment opportun la copine de Kip Malone et des frangins Dessner (The National). « Vous avez choisi le bon endroit ! » Elle vient de sortir un nouvel album, son quatrième, Are we there. Toujours en mode auteure-compositrice, « Afraid of nothing », y compris de jouer devant des gens qui n’en ont probablement rien à secouer. D’autant que ce qu’elle propose, avec son quatuor, siérait probablement mieux dans un club. Un vrai, pas un chapiteau.
Le « bon endroit », on y retourne plus tard dans la journée pour Kurt Vile et ses Violators tout chevelus. Il ne pleut plus : pas compliqué du coup de se faufiler dans les premiers rangs. Sous les mèches, les guitares : l’acoustique rageuse de Mister Vile, l’électrique d’Adam Granduciel (The War On Drugs) : 12 cordes pour joliment emballer « On tour », et on se laisse définitivement embarquer dans ce set quelque peu foutraque (« Et maintenant, une chanson à propos de… heu… de moi »).
Trois-quarts d’heure plus tard, plus moyen de ressortir du Club sans devoir jouer des coudes : dehors, il tombe cette fois des cordes et pour beaucoup, c’est devenu l’abri le plus proche. Le temps d’enfiler la capote adéquate (spéciale dédicace à Mathieu G.), et direction le Castello. Le Castello et Madensuyu, l’excellent duo gantois, déjà vu bien inspiré par on ne sait quel sombre influx aux Nuits Botanique. Quand arrive « Mute song », plus de doute : Pieterjan Vervondel et Stijn De Gezelle sont carrément possédés. Sec, terrible, étouffant : c’est dingue les sensations qu’on peut susciter avec une batterie, une guitare, un clavier et quelques effets. Evidemment, quand on est aussi animé par la rage, la sauvagerie, c’est encore plus saisissant. Et c’est ce qui fait de Madensuyu quelque chose d’également fascinant à regarder. Oui, « à regarder », et pas seulement parce que l’éclairage par l’arrière ajoute déjà de l’atmosphère. Pour un peu, on croirait que Pieterjan Vervondel, le batteur qui envoie balader son floor tom d’un coup de pied va y laisser sa peau et mourir d’épuisement sur ses futs ! De quoi amplement faire oublier les problèmes de son (balance des voix, de la guitare, un retour finit par être viré…) qui ont émaillé ces 45 minutes brûlantes.
Ajoutez-en 5 et ça fait 50… Cinquante minutes, c’est exactement ce qu’a duré le concert de Sonic Youth. Pardon, de Thurston Moore et de son nouveau groupe dans lequel on retrouve Steve Shelley (batterie, Sonci Youth), Debbie Googe (basse, My Bloody Valentine) et James Sedwards (guiatre). La setlist ? Cinq titres, tous extraits de l’album à paraître en septembre : The best day. Dédicacé à sa mère, a-t-il précisé lors d’un concert en mars au Portgual. Cinq titres seulement, mais quels morceaux ! D’entrée de jeu, avec ce That’s Why I Love You Forevermore : voix un peu en retrait, sorte de mélange carré de post rock à la Godspeed et de shoegaze, qui fait tourner et vous insinue entre les neurones le même accord répété et répété encore. « Speak to the wild » qui suit est quelque peu plus chanté, mais on sait déjà que ce concert va être terrible.
Le ton se fait ensuite plus punk. On repense aussi au Sonic Youth du début des années 90. Moore ne connaît pas encore tous ses textes : ils sont posés devant lui. La guitare, par contre… Même le passage plus « bruitiste » a du sens, chez lui. Le set se termine d’ailleurs à la suite de celui-ci, avec une sorte d’écho du motif sur lequel il a débuté. Du cinq étoiles, ça ! « Love and kissings », lâche-t-il en rejoignant les backstages. Vivement septembre !
Didier Stiers
(Photos : Mathieu Golinvaux)
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