Milos, un crooner de charme mais surtout un guitariste racé – L’Orient

Avec un menu ici toutefois guère ébouriffant, mais plutôt sage et conciliant en un calme dosage de partitions classiques et d’airs modernes, très latinos, aux harmonies sans fougue excessive ni sensualité torride. Juste un peu de soleil par ce temps inhabituellement froid !
Et on revient toujours à ce conte de fées d’un enfant prodige (devenu naturellement interprète prodige) d’une dizaine d’années qui a ébloui Andres Segovia par ses accords et ses mélodies égrenées avec tant de sensibilité, d’assurance et de justesse.
Mais aujourd’hui, ce musicien prisé des jeunes et des moins jeunes (fabuleux le succès de son album chez Deutsche Gramophon) mène une brillante carrière internationale et vit à Londres. Avec un bel accent et beaucoup d’humour parfaitement « british », si on doit en juger par les multiples interventions orales, à bon escient, lors de son concert au Ball Room, charmant cadre intimiste pour une musique de chambre, au Palais des Émirats dans le cadre du festival.
Allure de jeune premier, sourire charmeur, costume noir « slim and fit » avec boutonnières en brillants, coupe de cheveux à la Necker, et ce talent fou et fusionnel dès que ses mains s’approchent des cordes d’une guitare.
En première partie, des œuvres de Bach et De Falla. Prelude et Fugue n°2 du cantor pour des opus transcrits du luth, ancêtre de la guitare. Souffle d’un lyrisme empreint de l’humanisme de la Renaissance, avec cette narration lumineuse aux dentelures plus fines que les travaux d’aiguilles de Bruges. Changement de cap vers les passions et les roses baccarats pour une Danse Molinero et espagnole avec le compositeur de L’Amour sorcier. Grands accords plaqués, vibratos et chant ibérique dans sa plus dense et chaleureuse expression de sang chaud et violent. Mais toujours avec un impressionnisme qui ne manque pas d’une certaine retenue.
Petit entracte et retour sur scène d’un interprète au sourire ravageur et qui a tout d’un jeune premier très « gypsy » crooner. Et, par-delà la tenture rouge bordeaux et le spot du sunlight qui servent de fond de décor, tout s’envole brusquement, vers la lumière, le soleil, le Brésil, la nature exubérante, les plages aux grains de sable dorés, les petits déhanchements pour une cadence où le corps s’exprime…
Un florilège d’œuvres plébiscitées par l’auditoire et qu’on fredonne toujours au hasard d’une journée de farniente ou d’une nouvelle rencontre qui booste le cœur et les sens. Voilà donc comme un bouquet sans doute tout de fleurs parfumées, une Dansa brasiliera (de Morel), une Milonga (de Cardoso), une Batucada (de Savio), Girl from Ipanema et surtout le célébrissime Besame Mucho (les deux arrangés par Sergio Assad).
En conclusion, ce morceau de bravoure (vrai moment de fougue de la jeunesse, dans ce concert qui voudrait plaire sans doute à toutes les tranches de public), débordant d’énergie, de méditation idyllique et bucolique, dans une nature à la fois envoûtante et sauvage. Il s’agit de cet âpre et péremptoire Koyunbaba de Domeniconi où un chevrier est au cœur d’un paysage échappé au plus ensorceleur des appels à la communion avec le cosmos et à l’enivrant besoin de liberté…
Trombe d’applaudissements d’un public ravi, gerbe de fleurs à l’artiste et révérence avec une guitare portée comme on porte un enfant. C’est-à-dire avec amour et attention. En bis, retour à la rigueur et à la discipline avec du Tarrega. Toujours sublime sous des doigts aussi agiles et adroits.

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